05 décembre 2005

Maison avec vue


C'est un pays qui ressemble à la Dordogne, mais en Provence. Sainte-Croix-à-Lauze, c'est un village coincé dans le fond d'un petit vallon, un vrai village avec des gens qui ne vivent pas du tourisme. La preuve que c'est un vrai village réside dans le fait, déjà observé en Dordogne, que le Maire s'y est fait construire une maison neuve et laide, voyante de surcroît, et que ses concurrents les plus sérieux rivalisent aussi avec lui dans l'arrogance du parpaing prétentieux. A côté de cela, il y a un joli bourg fait de vieilles bâtisses en pierres, avec des murs épais, habitées par une anglaise, un américain, et quelques belges. Nous avions loué de telles maisons plusieurs fois, celle de Jacqueline, puis celle de Françoise, qui elles sont de Marseille. Nous avions passé là l'été de la canicule avec Florian. Ce fut un moment très heureux, d'être avec Florian d'abord, mais aussi de partir en balade après 18 heures. Chaque soir, nous allions visiter un village différent. Il y a peu de maisons isolées, dans ce pays sauvage qu'aimait Jean Giono. L'habitat est fait de villages perchés aux rues étroites, pour avoir frais l'été et moins froid l'hiver. Chacun de nous avait son préféré, ou plutôt ses préférés, il y en a plus de 200 dans cette région. Sainte-Croix est proche de Vachères, d'où on prend la route de Banon, de là on revient par Simiane-la-Rotonde, Oppedette et Viens. Les couleurs de ce pays de Haute-Provence sont aussi étonnantes en hiver qu'en été, la lavande en fleur rend les vallées plus bleues que le ciel en été et c'est l'inverse en hiver. Trois montagnes majestueuses encadrent ce morceau de paradis: la montagne de Lure et le mont Ventoux au Nord, la montagne du Luberon au Sud. Les trois sont plus larges que hautes, ce sont de vraies montagnes qui se tiennent bien: l'une est bleue avec un chapeau beige, l'autre a le crâne blanc et le ventre vert, la troisième est bleu sombre et noire.
Qui ne souhaiterait s'y poser ? Que nous cherchions ici la maison de nos rêves n'étonnera personne. Nous l'avons trouvée hier, et nous en sommes tellement stupéfaits que nous hésitons à faire le pas. Nous achoppons sur des détails. Catherine s'inquiète parce que c'est une vraie maison provençale, alimentée par une source. Dites, quand vous êtes là-bas, enfin seuls, vous souhaiteriez être relié à la Lyonnaise des Eaux ? Quelle drôle d'idée ! Quant à moi, je me demande si je vais me réhabituer au rythme des saisons (mon bougainvillée a perdu quelques feuilles cette semaine, mais pas encore ses fleurs), et surtout si je vais pouvoir désormais me passer des grèves ? Marcher est devenu une drogue.
Je viens de terminer un livre magnifique, "Loin de Chandigarh" de Tarun Tejpal. Une histoire de blog à l'ancienne dans l'Inde de la première moitié du XXème siècle... Un conteur d'histoires qui finit par comprendre ce qu'est l'amour, et ce que sont les histoires.
"Je soupçonnai pour la première fois que l'histoire était toujours plus importante que le conteur. Ce n'était pas le conteur qui insufflait de la vie dans le récit, mais le récit qui maintenait le narrateur en vie."

Aucun commentaire: