Deux points de vue qui me réjouissent dans le Monde de ce
soir, une opinion de Pierre-Henri Tavoillot sur la pratique de la
"disputatio", qu'il préconise pour l'enseignement de
la Morale Laïque, nouveauté ministérielle. Il est Maître de Conférences en Philosophie à la Sorbonne, explique que c'est une formation fondamentale
pour se forger une opinion que de faire l'exercice de développer l'opinion de l'autre, à supposer qu'elle soit contraire à la sienne. C'est l'un des principes
de Kant. Je suis depuis longtemps profondément convaincu de cela. Je
recommande toujours, quand je siège dans les Comités Tartanpion d'organisation de réunions dites scientifiques, une session Controverse. Il est
intéressant de constater comment
la plupart des débateurs n'y parviennent pas
(en France dans les Neurosciences par exemple), et s'arrangent à l'avance pour se partager le thème, comme s'il s'agissait de la même forme de discours. C'est une épreuve où excellent actuellement les
"anglo-saxons", appellation bizarre que l'on utilise pour rappeler la
brutalité de leur culture.
"Saxons" fait très guerrier, un appel à la charge. Mais mes collègues britanniques y montrent
la qualité de leur esprit, ils savent y
instiller de l'humour.
C'est tout le contraire de la dépravation médiatico-politique qui se répand sous nos yeux chaque jour dans notre pays dit
"des Lumières". C'est une vraie déchéance ce niveau d'empoignades
entre Hybride Fardeau, Jeansuque Mefanchon, Latroce Baryton, Jécopé François, et les journalistes du même tonneau. On doute encore du
déclin de la France ?
Pierre-Henri Tavoillot fait remarquer que la
"disputatio" était le mode d'examen dans la
Sorbonne médiévale. Il n'y avait à cette époque, pour cette raison formelle, que 50% de reçus au baccalauréat... C'est pourquoi les
grands esprits ont fait révoquer cette pratique, pour évoluer vers la dissertation, qui est bien une école de formalisme, basé sur l'auto-conviction dans
les meilleurs cas, sur le consensus moelleux dans les plus mauvais, une manière de réciter des arguments tout faits
assortis d'une fausse érudition. La crème de nos élites, en quelque sorte.
L'autre est une chronique de Sandrine Blanchard, "Bon
Voyage, M. Kahn", qui raconte avec étonnement et un zeste
d'admiration le projet d'Axel Kahn, qui part le 8 Mai à pied pour un voyage en France de trois mois. J'ai des a
priori envers Axel Kahn, que j'ai cotoyé il y a 30 ans, et que j'ai un
peu trop vu depuis, opportuniste parisien qui a finalement raté sa carrière politique. Il n'a pas fait
aussi bien que son Collègue de Cochin qu'il aime tant,
Bernard Debré.... Mais cette fois, il fait
plaisir à admirer, car sa
"fuite" procède d'une analyse qui fait référence à une échelle de valeurs, dont le
manque nous asphyxie en ce moment. Il veut quitter "l'atmosphère irrespirable de ce printemps 2013" pour réaliser ce qui lui procure le plus de bonheur, "être en contact avec la beauté des paysages". Il a
envie de lenteur. Je partage complètement son constat d'un monde
de fausseté, de laideur, de fric et
d'intolérance. "Ce monde n'est
profondément pas le mien, et l'urgence
de le quitter devenait pressante". La droite l'afflige, la gauche le désole. Il fait allusion aux talents d'orateur de Jean-Marc
Ayrault, "il a le charisme d'une moule"... Il espère, dans sa promenade, faire des rencontres. Les gens
ont-ils changé ? Il va lui falloir arpenter
les chemins creux, découvrir des fermes isolées pour se ressourcer au contact de sages qui sauraient
encore conter des légendes, de bardes qui
sauraient chanter seuls pour les oiseaux, de vieilles qui sachent tourner en
souriant aux anges une potée dont le fumet nourrit l'espérance.