24 avril 2013

24 Avril, en traversant la France


Deux points de vue qui me réjouissent dans le Monde de ce soir, une opinion de Pierre-Henri Tavoillot sur la pratique de la "disputatio", qu'il préconise pour l'enseignement de la Morale Laïque, nouveauté ministérielle. Il est Maître de Conférences en Philosophie à la Sorbonne, explique que c'est une formation fondamentale pour se forger une opinion que de faire l'exercice de développer l'opinion de l'autre, à supposer qu'elle soit contraire à la sienne. C'est l'un des principes de Kant. Je suis depuis longtemps profondément convaincu de cela. Je recommande toujours, quand je siège dans les Comités Tartanpion d'organisation de réunions dites scientifiques, une session Controverse. Il est intéressant de constater comment la plupart des débateurs n'y parviennent pas (en France dans les Neurosciences par exemple), et s'arrangent à l'avance pour se partager le thème, comme s'il s'agissait de la même forme de discours. C'est une épreuve où excellent actuellement les "anglo-saxons", appellation bizarre que l'on utilise pour rappeler la brutalité de leur culture. "Saxons" fait très guerrier, un appel à la charge. Mais mes collègues britanniques y montrent la qualité de leur esprit, ils savent y instiller de l'humour.
C'est tout le contraire de la dépravation médiatico-politique qui se répand sous nos yeux chaque jour dans notre pays dit "des Lumières". C'est une vraie déchéance ce niveau d'empoignades entre Hybride Fardeau, Jeansuque Mefanchon, Latroce Baryton, Jécopé François, et les journalistes du même tonneau. On doute encore du déclin de la France ?
Pierre-Henri Tavoillot fait remarquer que la "disputatio" était le mode d'examen dans la Sorbonne médiévale. Il n'y avait à cette époque, pour cette raison formelle, que 50% de reçus au baccalauréat... C'est pourquoi les grands esprits ont fait révoquer cette pratique, pour évoluer vers la dissertation, qui est bien une école de formalisme, basé sur l'auto-conviction dans les meilleurs cas, sur le consensus moelleux dans les plus mauvais, une manière de réciter des arguments tout faits assortis d'une fausse érudition. La crème de nos élites, en quelque sorte.

L'autre est une chronique de Sandrine Blanchard, "Bon Voyage, M. Kahn", qui raconte avec étonnement et un zeste d'admiration le projet d'Axel Kahn, qui part le 8 Mai à pied pour un voyage en France de trois mois. J'ai des a priori envers Axel Kahn, que j'ai cotoyé il y a 30 ans, et que j'ai un peu trop vu depuis, opportuniste parisien qui a finalement raté sa carrière politique. Il n'a pas fait aussi bien que son Collègue de Cochin qu'il aime tant, Bernard Debré.... Mais cette fois, il fait plaisir à admirer, car sa "fuite" procède d'une analyse qui fait référence à une échelle de valeurs, dont le manque nous asphyxie en ce moment. Il veut quitter "l'atmosphère irrespirable de ce printemps 2013" pour réaliser ce qui lui procure le plus de bonheur, "être en contact avec la beauté des paysages". Il a envie de lenteur. Je partage complètement son constat d'un monde de fausseté, de laideur, de fric et d'intolérance. "Ce monde n'est profondément pas le mien, et l'urgence de le quitter devenait pressante". La droite l'afflige, la gauche le désole. Il fait allusion aux talents d'orateur de Jean-Marc Ayrault, "il a le charisme d'une moule"... Il espère, dans sa promenade, faire des rencontres. Les gens ont-ils changé ? Il va lui falloir arpenter les chemins creux, découvrir des fermes isolées pour se ressourcer au contact de sages qui sauraient encore conter des légendes, de bardes qui sauraient chanter seuls pour les oiseaux, de vieilles qui sachent tourner en souriant aux anges une potée dont le fumet nourrit l'espérance.